Lorsque le handicap s’accompagne de difficultés autour de l’alimentation, il est particulièrement douloureux pour un parent de ne pas réussir dans cet acte si banal de la vie quotidienne qui est celui de nourrir son enfant. Parce qu’il se répète plusieurs fois par jour, cet acte devient insidieusement le reflet d’une inaptitude ou d’une incompétence : celle à donner à manger à son enfant et celle de l’enfant à recevoir une source d’énergie et d’affection. Cette incapacité fait violence, culpabilise, d’autant qu’il est difficile de reconnaître que l’on rencontre des problèmes…
À terme, cette incapacité peut venir altérer le lien enfant-parent.
C’est pourquoi il est fondamental pour les parents de ne pas rester isolés face à cette difficulté.
ROMPRE SON ISOLEMENT, SE FAIRE ACCOMPAGNER
Le repas est un moment qui demande, pour un certain nombre de personnes présentant un handicap sévère, une activité sensorimotrice complexe. Manger fait appel à toute leur concentration pour la coordination main-bouche quand elle est possible, la sollicitation de la motricité bucco-faciale, une déglutition sans fausse route, etc…
Il est important d’accorder une grande attention à la préparation et à l’installation du repas, afin que celui-ci se passe dans les meilleures conditions de sécurité et de bien-être. L’autonomie passe aussi par la mise à disposition d’aides techniques adaptées facilitant la prise alimentaire pour les personnes pouvant s’alimenter totalement ou partiellement seules. C’est l’ergothérapeute qui proposera ces aides techniques.
La prise de médicaments au moment du repas peut altérer le goût et créer des tensions entre l’aidant et l’aidé. Si le nombre de cachets est important, cela peut aussi réduire l’appétit. Le report de la prise de médicaments en fin de repas est à envisager en accord avec le médecin prescripteur.
L’alimentation par la bouche (voie orale) n’est pas toujours possible. On peut alors avoir recours à une alimentation par l’intermédiaire d’une sonde alimentaire (lien association «la vie par un fil ») ou par voie veineuse (alimentation parentérale).
LES TROUBLES NUTRITIONNELS
Chez l’enfant présentant un handicap, des troubles de la croissance staturopondérale peuvent apparaître. Une dénutrition peut s’installer progressivement et entraîner un cortège de complications : escarres, perte de muscle, diminution de l’immunité des capacités de cicatrisation etc….
Les principales raisons sont:
UNE RÉDUCTION DES APPORTS NUTRITIONNELS
- Liée aux troubles de l’oralité (difficulté à s’alimenter par la bouche) ou de la motricité bucco faciale, à des anomalies de l’état dentaire, à des difficultés ORL (hypersalivation, grosse langue, difficultés de mastication ou déglutition, régurgitation..)
- Liée à des troubles digestifs (reflux gastro oesophagien, nausées, constipation) ou urinaires (vessie spastique, infections urinaires à répétition)
- Liée à des atteintes neurologiques : inappétence, lenteur des repas, troubles cognitifs, dépendance
- Liée à des états dépressifs, à la fatigabilité
- Liée à des effets secondaires des médicaments
- Refus de s’alimenter ou difficulté en raison de douleurs liées aux causes sus-listées et/ou aux troubles moteurs musculaires et ostéo-articulaires (scolioses évolutives, luxation des hanches…)
Inversement un surpoids ou une obésité peut être favorise par une activité physique réduite ou par des apports alimentaires excessifs :
CAUSE DE L’AUGMENTATION DES APPORTS NUTRITIONNELS
- Liée à un signal de satiété perçu tardivement ;
- Liée à une compensation affective octroyée par l’aidant (grignotage, alimentation anarchique).
- Liée aux effets secondaires des médicaments, qui ont un effet sur l’appétit ou sur les dépenses caloriques.
Les besoins nutritionnels peuvent être différents dans certaines situations : épisode infectieux, intervention chirurgicale orthopédique, etc…
COMMENT ÉVALUER L’ÉTAT NUTRITIONNEL
L’évaluation de l’état nutritionnel est importante mais peut rencontrer quelques difficultés. Elle repose sur la mesure du poids et de la taille, mesures qui ne sont pas toujours faciles chez ces sujets. On peut s’aider d’outils simples disponibles en ligne ou sur des applis (appli « nutrition clinique », gratuitement téléchargeable), comme la mesure de la taille à partir de la mesure de la longueur de la jambe ou de l’avant-bras.
Parfois, ce sont des signes comme la fragilité cutanée, l’apparition d’escarres (corrélées aussi aux positions particulières chez ces patients), la réduction de l’appétit, des vocalises d’inconfort voire de douleur…qui doivent alerter.
La prise en charge nutritionnelle doit s’inscrire dans une logique de soins pluridisciplinaires et globaux mais les familles doivent être orientées vers le professionnel le plus adapté au trouble rencontré.
Pr Didier QUILLIOT
Professeur des universités CHRU Nancy
Nutritioniste et président du comité éducationnel et de pratique clinique de SFNEP